Nominations controversées: Le « Jub-Jubal-Jubanti » face au pardon et à la culpabilité politique

Au Sénégal, le Premier ministre avait confirmé lors de son discours de politique générale (27/12/24) sa promesse avec un projet de loi pour abroger la loi d’amnistie portant sur « tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non » (pour citer la loi d’amnistie du 28/02/24).

Alors qu’il est question d’enquêter sur les trois années de violences politiques qui ont secoué le pays sous la présidence de SEM Macky Sall, certaines nominations de la présidence sous le nouveau régime tendent à imposer aux Sénégalais le pardon politique à des gens qui ont eu une certaine responsabilité coupable dans la situation qui a valu amnistie, c’est-à-dire, entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024.

Le changement systémique prôné à travers le Jub-Jubal-Jubanti (droit, droiture, exemplarité) fait ainsi face à l’énigme de la faute et du pardon en politique. Comment faire une rupture en pardonnant les acteurs du système précédent, de la culpabilité politique qui a occasionné l’amnistie qu’il est question d’abroger ?

Pardon… !

Oui, nous parlons bien de pardon et d’un point de vue intellectuel, de la responsabilité morale en politique – à travers les actes individuels que l’on pose – qui, si elle est mauvaise peut tacitement nourrir le monstre qui sommeille en chaque homme de pouvoir, la culpabilité (du) politique.
Vous comprendrez que, dit ainsi, nous considérons tous ceux qui s’intéressent à la vie politique comme des intellectuels et que conséquemment, tous les intellectuels se retrouvent avec une certaine responsabilité dans la cité et ont donc l’obligation de se prononcer.

Les Sénégalais ont baigné dans cette culture de l’intellectuel qui assume ses responsabilités politiques. Ils ne dénoncent par aujourd’hui certains de leurs professionnels de la pensée – c-à-d lesdits intellectuels, qui étaient au chômage quand le peuple souffrait sous le régime précédent – de gaieté de coeur.

Non. C’est qu’à un moment donné dans la vie politique du Sénégal, le pays de Cheikh Anta Diop, il y avait un camp qui voulait garder le pouvoir par tous les moyens, et des gens qui ont rusé avec les principes intellectuels donc, jusqu’à garder le silence pour certains, au risque de cautionner les actes des premiers.

Or, pour le dire autrement, le premier acte citoyen de l’intellectuel, c’est de pouvoir exprimer les contradictions dans le système politique où il évolue ce afin de l’enrichir. C’est ainsi qu’il échappe à la culpabilité morale qu’on (une partie du peuple) lui rappellera; il doit se faire violence comme le firent certains avec un – « Appel à la Résistance » – pour dénoncer la culpabilité politique que déniaient les membres de l’ancien régime. Un intellectuel n’est pas celui qui se tait de peur de perdre ses privilèges… C’est au contraire là qu’il arrête d’être utile à la société et d’être au service des coupables politiques en force !

En outre, le vrai changement dont il est toujours question, inclut aussi le fait que c’est l’optique de l’opinion éclairée, pour ne pas dire la nouvelle forme de masse éclairée (même celle dans les réseaux sociaux), qui raménera le politique à l’examen de conscience sur la promesse a elle faite de « droit, droiture et exemplarité ».

A moins que l’on cherche à se placer « au-dessus des contingences politiques » sénégalaises quand il s’agit de nommer les futurs responsables dont la responsabilité est questionnée, pièce dont les deux faces sont Amnistie et pardon commandé, on peut hypothétiquement se demander en quoi les défenseurs de l’ancien régime dont on veut renouveler la confiance sont des gages de droiture et d’exemplarité pour SEM Bassirou Diomaye Faye ?

Nomination et « pardon commandé » du chef de l’Etat


Rappelons que le nouveau régime avait vendu aux Sénégalais, aux jeunesses sénégalaises surtout, cette nouvelle masse éclairée disions-nous, l’idée de l’avénement d’une ère nouvelle, de faire la politique autrement.

Mais ces derniers découvrent petit à petit, comment le régime dilue désormais cette idée de droiture avec la variable compétence pour ceux et celles dont les nominations à des postes de responsabilité évoquent pourtant une sorte de reniements aux promesses politiques qui un temps étaient elevées en principes.

Quelque part, c’est aussi le Chef de l’Etat, SEM Bassirou Diomaye Faye, qui se découvre en Président de la République, c’est à dire le premier politicien du pays quand bien même le fait que ce soit son Premier Ministre qui en a fait un Prince !

Rappelons l’affaire Samba Ndiaye nommé au CA de la Sn-Hlm, les Sénégalais derrière les 54% qui ont amené SEM Bassirou Diomaye Diakhar Faye au pouvoir, la masse Kacc Kacc, c’est-à-dire de l’ère des réseaux sociaux avaient lancé une pétition pour dire: non à cette nomination !

Et sans surprise, des cadres du Pastef comme Waly Diouf Bodian, n’ont pas hésité à s’en tenir aux principes qui ont animé le parti allant jusqu’à soutenir que « Samba Ndiaye doit dégager ! De même que le DG de l’Agetip El Malick Gaye ». D’autres rappelleront le passé de monsieur Ndiaye « …un voyou qui nous a toujours insulté, nous et notre Pros ». Comme pour dire, en reprenant Fadilou Keita, DG de la Caisse des dépôts et des consignations qu’il va falloir que « les personnes ayant proposé ces choix devront justifier leurs décisions et objectifs… ».

Quant au président du parti, Ousmane Sonko (Pros), Premier Ministre en fonction, il a tenté de sauver les meubles de ce qui reste de ces principes à la présidence en signalant à ceux qui tiennent encore à celles-ci et au nom de leur vigilance et de la démocratie interne au Pastef, que « Nous accusons réception des multiples expressions de votre indignation suite à une nomination intervenue récemment. Je ne doute pas que les mesures correctives idoines seront apportées au plus vite…« 

Mais c’est sans compter sur le Président de la République qui, comme nous le suggérions, compte jouir pleinement de ses prérogatives politiques, comme le clarifie la constitution, celles de nommer à tous les emplois civils et militaires. Il n’hésita pas par ailleurs à calmer le jeu dans une sortie médiatique (25 octobre 2024) en prenant exemple sur la capacité de « dépassement » dont fit preuve des figures politiques comme Nelson Mandéla (25 octobre 2024). Et de clore de débat, toujours au nom de la démocratie interne, en soutenant ainsi que,

« Nous avons souffert et celui qui a subi le plus, Ousmane Sonko, a annoncé publiquement avoir pardonné… Nous avons annoncé des appels à candidature, donc nous ne nous bornons pas seulement aux gens qui font partie de nous (Pastef). Ceux qui, par le passé, nous ont injuriés y font également partie. Les Sénégalais nous ont fait confiance grâce à notre projet, et ce projet inclut tous les Sénégalais. »

Sauf que voilà, un projet politique dont l’une des philosophies est de « rétablir la confiance entre la jeunesse et l’État, et de manière plus significative, entre le peuple et ses gouvernants », financé par de petites personnes qui y ont cru, peut difficilement prétendre qu’au nom de l’inclusivité, les seules compétences que dévoilent les CVs suffisent comme preuve de confiance.

Ce que donne l’inclusivité prétendue du projet

A l’université de Dakar, on a n’a pas hésité à maintenir la vice-rectrice, et certains ont applaudi le fait qu’elle soit une femme. Toute une ruse du genre qui permet de cacher la culpabilité de toute l’équipe du recteur sortant qui avait imposé des mesures intellecticides contre les futures générations de cadres Sénégalais.

Rien n’empêchait de trouver un recteur ou une rectrice intérimaire qui n’avait rien à voir avec ceux – le Rectorat et son équipe de conseillers administratifs – qui ont fermé pendant des mois l’université pour satisfaire une commande politique du régime précédent. On remercie le Recteur, mais on garde tout le reste des responsables qui l’encourageaient; belle exception à la règle ainsi que « le poisson pourrit par la tête » !

Le pardon commandé à travers les nominations s’était ainsi manifesté au nom des compétences. Mais personne ne nie les compétences de ceux qui ont soutenu le régime sortant, ce que l’opinion éclairée demande, c’est un peu de responsabilité morale au nom du « Jub-Jubal-Jubanti ». Sinon, pardonner au nom des compétences qui autorisent les nominations par lobbying, cette forme de pardon commandée du haut est aussi une forme d’amnistie qui ne dit pas son nom… Contradictoire non ?


Sans compter qu’il y a une dose d’ironie dans tout cela…

Le 21 décembre 2024, un des ministres conseillers du Président est au coeur d’une polémique pour avoir donné un avis négatif sur les politiques mémorielles, en soutenant ainsi que « les tirailleurs sont des traitres » après que dans son discours du 1er décembre 2024, le chef de l’Etat ait parlé de « héros ».

Parmi ceux et celles qui ont demandé le départ de Cheikh Omar Diagne, le conseiller en question, figure Mme Oua Bocar Ly-Tall qui signe dans une tribune que, « il est vraiment temps de mettre fin aux multiples bévues de Monsieur Diagne, surtout en tant que membre de l’État sénégalais. Car, il vient d’arroser le Sénégal de honte et d’enlever à ses dirigeants et à son peuple toute la joie et toute la fierté qu’ils/elles avaient tiré de cette magnifique commémoration de Thiaroye 44 (…)« 

Et d’ajouter…

« C’est d’autant plus dommage que cette trahison vient d’un homme haut perché à la présidence de la République du Sénégal dirigée par un leader de l’âge du massacre c’est-à-dire 44 ans qui avait su de concert avec son Premier ministre qui avait tapé son poing sur la table en disant au président de la France : ‘Ce n’est pas à vous de déterminer unilatéralement le nombre de tirailleurs morts pour la France’ et qui, ensemble, avaient organisé admirablement en cette année 2024, la commémoration du massacre de Thiaroye 44.« 

Une dizaine de jours (26/12/2024 – 03/01/2025) après sa sortie, la voici renvoyée à l’équation de la culpabilité politique par les sentinelles du Projet.

En effet, le 03 janvier 2025, sur proposition du ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique , M. Alioune Sall, Mme Ly-Tall est nommée pour un mandat non renouvelable et irrévocable de 6 ans au Conseil national de régulation de l’audiovisuel.

Leçon à tirer…

Comme quoi, à beau se prévaloir de prérogatives institutionnelles, les Sénégalais se sont appropriés le projet Pastef au point qu’aucun pardon (n’étant tenu qu’à un coupable), ne peut se faire sans responsabilisation. Ils croient donc que la paix sociale ne peut être bricolée.
C’est que quelque part aussi, le Président de la Répubique doit être entouré de gens qui s’étaient plus concentrés sur le Pastef et son président Ousmane Sonko, coupables de tout, que sur les autres hommes et formations politiques…

A ce rythme, la présidence sera bien outillé d’hommes qui sont plus reconnaissants à SEM Diomaye Faye qu’au Président du parti Pastef !

Voilà un sentiment qui fait peur disons pour ceux et celles qui veulent un avenir politique, le plus riche que possible, à leur PROS…

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