La « Doctrine Macron » en Afrique
Nous pensons qu’une fois qu’on a pris connaissance des propos du Président Macron sur la fin des accords de défense et donné une analyse factuelle qui ne met pas tous les Etats issus de l’ancienne puissance colonisatrice dans le même sac, on peut alors trouver un certian intérêt à étudier les nouveaux principes, la nouvelle conception diplomatique du Président français envers l’Afrique.
A qui l’initiative sur le départ des forces françaises ?
Invité à participer à ce Xspace pour offrir une approche historienne à la question, nous avions tenu à soulever le fait que le Président Macron avait choisi de lier la présence de l’armée française à la lutte contre le terrorisme dans le Sahel et explique comment à la suite des « coups d’Etat », l’armée française ne jugeait plus utile de rester. On peut facilement penser aux Etats de l’AES, le Mali en premier.
Mais tant qu’à parler de panafricanisme, il faut aussi parler de l’origine de ce terrorisme. Dès 2011, quand le Ministre des affaires étrangères, M. Alain Jupé accomplissait l’Agenda du Président Sarkozy, nous lui avions écrit (voir capture) pour relever le fait que historiquement, si Khadafi saute, le problème de démocratie qu’on voulait résoudre allait créer un phénomène de conflit qui risquait de métastaser sur la Lybie et dans tout le Sahel.
En d’autres termes, le terrorisme dont parle le Président Macron, qui a valu à son prédécesseur, Hollande, d’envoyer des forces armées au Mali avec l’opération Serval (janvier 2013- juillet 2014) qui deviendra Barkhane (aout 2014- novembre 2022) est une lègue de la politique diplomatique de celui qu’ils ont succédé, Nicolas Sarkozy aidé par Barack Obama et qui avait décidé d’éliminer le Colonel Khadafi en 2011. La France donc ne jouait que le pompier après avoir mis le feu sur le seul oasis sécurisé du sahel.
Quant à la remise en question des accords de défense et de sécurité entre l’ancienne puissance colonistarice et les Etats-nations ouest africains, le départ français relatif aux soldats de l’opération Barkhane après le coup-d’Etat de Mai 2021 ne peut servir de repère en plus du fait qu’il est lié aux difficultés rencontrées avec la junte militaire.
Si l’on fait abstraction de l’ère Modibo Keita qui avait dès 1962, obtenu le départ de l’armée française; on pourrait au moins retenir qu’à partir 2003, le Président sénégalais Abdoulaye Wade avait souhaité le départ des forces françaises du Cap Vert (Ffcv) dissoutes à partir de 2011 avec leur réduction à quelques éléments français au Sénégal (Efs, nouvelle appellation).
En un mot, les Sénégalais, n’eût été la parenthèse Macky Sall qui n’a pas continué le plan Wade de fermer les bases françaises de manière définitive en 2014, auraient déjà eu une autre politique de coopération militaire avec la France sous le Président Diomaye et son PM Ousmane Sonko.
Une fois que cela est dit, on reconnaîtra avec le président Macron qu’en effet…
On ne chasse pas un impérialisme pour en subir un autre…
Le président Macron a été très critique envers ce qu’il appelle « un panafricanisme de bon aloi contemporain » et refuse qu’il prenne en otage « le dialogue avec l’Afrique ». Ce panafricanisme là utiliserait un discours postcolonial que soutient « les impérialistes d’aujourd’hui » en faveur des « intérêts de la Russie ou d’autres en Afrique » aussi demande-t-il aux diplomates d’y faire face de manière lucide.
Ce propos qui semble blesser ceux qui se sentent concernés, ne devrait pas pour autant empêcher les Africains à faire eux aussi, une lecture lucide de cette doctrine gagnant-gagnant que propose le Président français. Quelle est la réponse diplomatique africaine à cette doctrine diplomatique qui prône certaines valeurs françaises et lesquelles?
N.B: Les sous-titres sont de nous…
Dérèglement
Et alors qu’on nous écrivait en l’an 2000 une histoire qui était toute tracée, la démocratie conquérante, la fin des conflits, la lucidité de nous conduire à voir qu’un quart de siècle plus tard, ce n’est pas tout à fait ce que nous vivons.
Et donc oui, vous servez la France et ses intérêts dans le désordre du monde, avec une exigence particulière qui va avec le métier diplomatique pour vous-même et vos proches et l’ensemble de vos équipes. Et c’est pourquoi, en le disant, je le dis à des femmes et des hommes qui savent l’exigence de cette mission et la réalité de ce que ce mot « désordre » signifie.
Et je veux exprimer une reconnaissance toute particulière à nos agents, à Kiev, à Beyrouth, à Jérusalem et Tel-Aviv, à Bamako, Ouagadougou, à Port-au-Prince, Port-Vila, à Caracas, et partout où il a fallu chaque jour, ces derniers mois, montrer du courage dans l’action et où servir le pays était particulièrement dangereux.
Ce courage, il en faut dans le fracas du monde, en effet, compte tenu de tous ces désordres. Il faut bien le dire, 25 ans après, nous nous réveillons dans un monde, et je dirais même simplement 10 ans après, où ce qui paraissait impensable est en train d’advenir.
Désordre né de l’affaiblissement des règles internationales, contestées par d’autres puissances qui ne jouent plus le jeu, se déploient sans complexe dans de nouveaux espaces de confrontation internationale et tentent de fragmenter le monde à leur avantage.
Il y a 10 ans — et je salue ici, la mobilisation de la diplomatie française et le ministre qui la conduisait à l’époque — nous concluions un accord historique, les Accords de Paris pour le climat.
Qui pourrait l’imaginer aujourd’hui ?
Désordre des démocraties menacées par la remise en cause de leurs promesses de prospérité, d’ascension sociale, de partage du progrès, et directement attaquées par des puissances de déstabilisation.
Il y a quelques semaines à peine, la Roumanie a dû annuler une élection présidentielle en raison d’ingérences et de manipulations électorales clairement attribuées à la Russie. Qui l’aurait imaginé il y a 10 ans à peine ?
La France a été elle-même attaquée par des ingérences inacceptables dans la plupart de ces territoires ultramarins, et tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie ces derniers mois, par l’Azerbaïdjan qui pensait, là, régler ses propres incompréhensions du fait que nous défendons le droit international et l’Arménie. Qui l’aurait imaginé ?
Voilà 10 ans, si on nous avait dit que le propriétaire d’un des plus grands réseaux sociaux du monde soutiendrait une nouvelle internationale réactionnaire et interviendrait directement dans les élections, y compris en Allemagne, qui l’aurait imaginé ? C’est le monde dans lequel nous vivons et dans lequel nous avons à faire de la diplomatie.
Renaissance, retour des impérialismes ?
Au fond, ce monde que je décris, et j’ai eu l’occasion de le faire ces dernières années, mais malheureusement, il prend un tour de plus en plus clair, est marqué par le retour des pulsions impériales, les bouleversements de l’information et du savoir et la remise en cause très violente de l’humanisme.
Et c’est donc au fond un triple dérèglement : stratégique, technologique et politicophilosophique. Et cette période rappelle en quelque sorte celle de la Renaissance. Et la question est simple : dans cette Renaissance, quelles sont les nations qui s’en sortent ? Celles qui obéissent aux règles du monde d’avant ou bien celles qui ont compris qu’il fallait un réalisme qui sache garder ses idéaux ?
Et au fond, il nous faut tout à la fois la force morale, mais la force aussi tout court. Et il nous faut sortir, à bien des égards et sur bien des sujets, d’une forme de naïveté, ou en tout cas d’usage, qui continue à avoir cours dans nos pratiques.
Des règles qui servent nos valeurs
J’ai eu l’occasion de le dire il y a quelques mois en prenant la métaphore des herbivores et des carnivores, mais nous en sommes là. Ceux qui continueront à appliquer des règles que les autres grandes puissances n’appliquent plus auront le privilège d’être dévorés.
Pour autant, décider d’être fort ne vaut que si c’est pour servir les valeurs qui sont les nôtres et les principes auxquels nous souscrivons, ce qui nous différencie principiellement de ces forces autoritaires qui reviennent.
Alors, cette sortie de l’innocence ne doit pas aller sans un volontarisme. Et depuis 7 ans, j’ai toujours tenu ce langage de vérité, quoi qu’il m’en coûte, sur le refus d’un affaiblissement européen, les transformations de notre lien transatlantique, les pesanteurs de notre système pour appréhender le monde et la nécessité de lire le monde tel qu’il va et les choses telles qu’elles sont.
La grandeur de la France et questionnements ?
Aussi, en m’exprimant devant vous aujourd’hui, j’ai bien conscience que je le fais sans doute devant des diplomates de haut rang qui se posent des questions sincères, et aussi à un moment où nos compatriotes se posent des questions très sincères. Il suffit de lire la presse pour se dire : finalement, tout est fichu.
La démocratie, c’était un idéal d’hier. Tout le monde semble être fasciné par un nouvel ordre qui vient et qui bouscule toutes les règles. Et, en quelque sorte, on finirait presque par se demander s’il est nécessaire de se battre. Je crois tout le contraire, oui, cela en vaut la peine et nous avons quelques armes.
D’abord, la première question qu’on se pose beaucoup, qu’on se pose parfois à lire les chroniques, et l’esprit de défaite ambiant : « La France a-t-elle toujours les moyens de sa politique ? »
Oui, assez simplement. La Constitution est solide et claire, nos choix le sont tout autant et les atouts qui sont les nôtres demeurent. Les atouts français n’ont pas disparu.
Les atouts de la France
Notre force diplomatique, notre présence sur tous les océans, le rayonnement de notre langue, nous l’avons encore vu lors du dernier Sommet de la Francophonie que la France a eu l’honneur d’accueillir. Ce sont des forces.
La puissance de notre culture est là. Il suffisait de voir le monde entier venir au chevet de Notre-Dame de Paris rebâtie. Et la capacité de la France à tenir des grands événements, comme nous l’avons montré aux Jeux olympiques et paralympiques, est là. Il faut simplement que tous les Français et toutes les Françaises aient la lucidité du reste du monde sur nous-mêmes.
Nous avons cette capacité, elle est là, et ce socle d’histoire, de valeurs, de culture est bien présent, tout autant que notre force de recherches académiques, technologiques et industrielles.
Durant ces dernières années, nous avons aussi renforcé nos atouts, consenti des efforts importants de la nation pour renforcer notre présence diplomatique et militaire. Et je sais la volonté du Premier ministre de continuer celui-ci et de s’engager résolument dans cette voie. Investissements dans notre diplomatie.
Moi, j’entends tous les pourfendeurs de la France qui sont en train de s’effacer, de s’effondrer. Que n’ont-ils, quand ils étaient aux affaires, défendu un budget au moins à la hauteur de celui que vous avez aujourd’hui ?
Les investissements
Nous ne sommes pas à un moment de décroissance des investissements dans le réseau diplomatique. Depuis 7 ans, nous avons investi dans la diplomatie, relevé le budget du ministère, du nombre des emplois, je l’ai évoqué l’année dernière, de nos contributions volontaires aux organisations internationales.
Nous avons lancé un agenda de transformation pour adapter nos moyens aux défis du temps, avec un vrai changement des méthodes, un effort important en termes de communication, d’information, d’influence, absolument indispensable et qu’il faut poursuivre, et je sais en la matière pouvoir compter sur vous. Et j’étais venu moi-même en mars 2023 au ministère annoncer tout cela.
L’investissement est bien réel et il est là. Investissement dans nos armées, j’y reviendrai lors de mes vœux devant les forces armées le 20 janvier, au terme de la loi de programmation militaire, nous aurons doublé notre budget militaire en 10 ans. Quel pays peut en dire autant ?
Et nous n’avons pas attendu 2022 pour nous réveiller. Investissements solidaires aussi, de 2018 à 2022, nos investissements solidaires ont augmenté de 50 %. En matière absolue, une hausse passant de 10,3 milliards, 0,4 point de RNB, à 15,1 milliards, 0,56 point de RNB. Quel pays peut en dire autant durant cette période ? Avec cette ambition, nous sommes devenus le quatrième bailleur de l’OCDE.
Sur la même période, nous avons créé 48 alliances françaises, portant leur nombre à 835, quand tant réduisaient leurs réseaux, renonçaient à leurs ambitions. Sur la même période, 150 000 élèves supplémentaires ont été accueillis dans les écoles du réseau d’enseignement français. Ils sont désormais 600 000. Quel pays peut en dire autant ?
Sur la même période, nous nous sommes donné les moyens de notre rayonnement au travers de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, dans la Cité du développement, que nous construisons à Paris, ou dans la Maison des mondes africains, dont nous poserons les fondations en 2025.
Sécurité (de la France et des Français)
Pendant ces 10 années, nous avons porté le combat contre le terrorisme, avec un travail remarquable qui a été fait par l’ensemble des services, la DGSE, la DGSI, les services de police et de gendarmerie, nos magistrats, pour contrer la menace, assurer la sécurité de nos concitoyens. Et nous avons adapté à la fois notre arsenal législatif, notre organisation et nos moyens, en réinvestissant là aussi massivement.
Mais c’est un combat que nous avons porté également hors de nos frontières, de manière fort logique au Levant comme au Sahel. Et je veux saluer ici nos diplomates comme nos militaires qui se sont engagés durant toute cette période. Nous avons, en effet, au Sahel, réussi à empêcher la mise en place d’un califat territorial qui aurait menacé les intérêts de la France et sa sécurité.
Et sans les militaires français, la chose était déjà décidée. Et nous avons œuvré, et continuons de le faire, dans le cadre de l’opération Inherent Resolve contre le terrorisme au Levant, avec là aussi un engagement exemplaire.
(..) Il ne faut donc aucun répit dans la lutte contre le terrorisme, et je demande évidemment à tout le gouvernement de continuer à être mobilisé, le ministre de l’Intérieur, au premier chef, les autorités du Premier ministre, l’ensemble de ses collègues. Nous devons tenir en bloc et continuer de le faire à l’international.
(…) De la Corne de l’Afrique au golfe de Guinée en passant par le Khorassan et d’autres régions, nous savons que l’emprise des groupes terroristes continue de prospérer. En somme, la menace n’est pas derrière nous, c’est même tout l’inverse et notre rôle, votre rôle, est de continuer de l’avoir en tête, d’agir, de protéger nos compatriotes par cette vigilance, ce travail de compréhension et également la poursuite des alliances utiles pour lutter contre ces groupes.
C’est dans cet agenda de prospérité et ces nouveaux partenariats que je veux évoquer le continent africain. Et je veux le faire là aussi avec beaucoup de reconnaissance pour tout le travail que vous faites et de clarté.
Le continent africain
D’abord, nous avons un agenda qui doit sortir en quelque sorte des obsessions du passé. J’ai fait le maximum des efforts, et je continuerai de le faire, pour regarder les questions historiques, culturelles et mémorielles.
Questions mémorielles
Je crois que nous l’avons fait avec beaucoup de sincérité ces dernières années, et du travail inédit qui a été fait sur l’Algérie avec la commission Stora, en passant par le discours qui a été donné par le Ministre à Thiaroye pour le Sénégal, à la politique de restitution des œuvres d’art, conformément à l’agenda de Ouagadougou que j’avais évoqué.
Nous avons, ces dernières années, profondément changé ce logiciel. C’est-à-dire que la France regarde son passé dans sa complétude : elle a nommé les choses et elle cherche à avoir une approche scientifique, historiographique, à la fois décomplexée et dépassionnée, et nous le ferons encore avec le Cameroun, avec le comité d’historiens que nous avons installé.
Contre un nouvel impérialisme qui remplace les anciens impérialismes
J’assume totalement cette politique, elle est bonne.
Je le dis en tant que Président, la République naît après la décolonisation : dans un continent qui à 75 % a moins de 25 ans, le dialogue avec l’Afrique ne peut pas être l’otage d’un panafricanisme de bon aloi contemporain qui utilise en quelque sorte un discours postcolonial en ayant d’ailleurs des soutiens de revers qui sont les impérialistes d’aujourd’hui.
Cette espèce de combination, de faux intellectuels, manipulant les réseaux sociaux, utilisant le désarroi d’une jeunesse et les intérêts de la Russie ou d’autres en Afrique, soyons lucides, mais n’y cédons pas.
Réorganisation culturelle et sécuritaire
Et donc, dans ce contexte-là, non, la France n’est pas en recul en Afrique, elle est simplement lucide, elle se réorganise. Je dis ça parce que quand je lis une bonne partie de notre presse et beaucoup de commentaires, les gens, regardant avec les lunettes d’hier, disent que c’est terrible, l’Afrique, on est en train de disparaître.
Non, on a choisi de bouger en Afrique. On a choisi de bouger parce qu’il fallait bouger.
- 1) On a regardé notre relation passée, mémorielle, culturelle. On la factualise, on l’assume, on se dit la vérité, mais on ne cède rien à la désinformation et aux ingérences.
- 2) Nous avions une relation sécuritaire. Elle était de deux natures, en vérité. Il y a une partie, c’était notre engagement contre le terrorisme depuis 2013.
On avait raison. Je crois qu’on a oublié de nous dire merci. Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps.
Pourquoi les départs ?
L’ingratitude, je suis bien placé pour le savoir, c’est une maladie non transmissible à l’homme. Je le dis pour tous les gouvernants africains qui n’ont pas eu le courage vis-à-vis de leurs opinions publiques de le porter, aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région.
J’ai une pensée émue pour nos soldats qui, parfois, ont donné leur vie et pendant des années se sont battus. Nous avons bien fait.
On est partis parce qu’il y a eu des coups d’État, parce qu’on était là à la demande d’États souverains qui avaient demandé à la France de venir.
À partir du moment où il y a eu des coups d’État, où les gens ont dit : « notre priorité, ce n’est plus la lutte contre le terrorisme », c’est ceci ou cela, qu’importe, la France n’y avait plus sa place, parce que nous ne sommes pas les supplétifs de putschistes. Donc, on est partis.
Et ensuite, on a décidé, ça, c’est le deuxième volet, de réorganiser notre présence militaire. Pourquoi ? Parce qu’on avait, en quelque sorte, une rémanence, et on nourrissait nous-mêmes un discours post-colonial.
Parce que dans les pays d’Afrique francophones, il y avait cette histoire, et donc, on avait laissé une présence installée dans nos bases.
Est-ce qu’elle avait encore une justification ?
Armées et rayonnement de la France en Afrique
Plus tellement.
Est-ce que c’était ça, le rayonnement de la France ?
Non.
Je salue tous ceux qui ont servi, ça ne l’était plus là. Et ça n’était plus compris, c’était utilisé. C’est-à-dire que tous les réseaux d’activistes que j’évoquais venaient dire : « Regardez les Français, ils ont un camp avec 2 000 soldats, là, donc ils vont préparer un coup d’État ». Et toutes les désinformations possibles étaient utilisées contre nous.
Donc, nous avons patiemment, et je remercie Jean-Marie BOCKEL, je le remercie à double titre, personnel et pour cette mission, parce qu’il fait partie de ceux qui ont vécu dans sa chair et la chair de sa famille, ce que j’évoquais tout à l’heure.
Mais il a mené patiemment, en lien avec les ministres et le CEMA, cette mission. Et donc, nous avons proposé aux chefs d’État africains de réorganiser notre présence. Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce.
Mais ne vous trompez pas, c’est nous qui l’avons… et parfois, il a fallu y pousser. Mais ce n’est pas parce qu’on est polis, corrects, et qu’on se réorganise nous-mêmes, qu’il faudrait que ce soit retourné contre nous en disant : « ils sont chassés d’Afrique ».
Partenariat et nouvelles relations de sécurité et de défense nouveau
Je peux vous dire que dans quelques-uns de ces pays, on ne voulait pas enlever l’armée française ou même la réorganiser, mais on l’a assumé ensemble. C’est ça, le partenariat.
Et donc, oui, nous sommes en train d’ouvrir un partenariat de sécurité et de défense nouveau, où on aura des bases stratégiques. Djibouti en fait partie, c’est pourquoi elle est d’une toute autre nature.
Je l’ai évoquée devant nos militaires, elle sera pérenne, stable, parce qu’elle est régionale, et on va demander à nos partenaires de savoir exprimer leurs besoins en termes de défense. On va aussi faire plus de formations, plus d’équipements, plus de renseignements, plus de contrats aussi dans la durée de défense.
On va qualifier la menace avec eux et on va aussi inventer de nouvelles relations, comme on l’a fait ces dernières années avec le Bénin, relation inédite, comme on va le faire avec le Nigeria, où on a commencé un dialogue stratégique qui n’existait pas jusqu’alors, ce qui était une aberration, etc. Partenariat stratégique de défense, désinhibé, mais d’avenir.
Afrique, un continent de croissance et d’opportunités
Au-delà de ça, le continent africain, c’est un continent de croissance, et là-dessus, nous sommes trop frileux.
Je le dis aussi parce que quand je lis, toujours, la presse, les lunettes françaises sont obsédées par l’Afrique francophone.
Il faut regarder l’Afrique francophone avec fierté. On y a des intérêts, on y a des amitiés chères chez les dirigeants, dans la société civile et ailleurs.
Mais enfin, on a bien fait de faire le premier grand voyage depuis 25 ans du Nigéria en France il y a quelques semaines, 25 ans.
Ce n’est qu’un pays à 250 millions d’habitants. On a bien fait d’aller faire la première visite au Kenya.
Imaginez. On a bien fait de retourner pour la deuxième fois en Éthiopie, pays de plus de 100 millions d’habitants, d’avoir consolidé une stratégie énergétique et d’investissement avec l’Afrique du Sud.
Nos lunettes sur l’Afrique ne sont plus les bonnes, quand on parle de l’Afrique. C’est un continent où il y a des grands émergents, où il y a des potentiels de croissance formidables, et nous sommes en train parfois de désinvestir.
Apporter l’expertise française
Il faut retrouver de l’audace, repenser nos financements, et là-dessus, nous devons, en interministériel,
repenser nos financements pour prendre plus de risques et accompagner plus de risques,
repenser nos règles européennes pour qu’on ait une capacité de financement de nos grands acteurs, et avoir une stratégie avec nos entrepreneurs, toutes filières confondues, beaucoup plus ambitieuse à l’égard du continent africain et de la regarder comme un continent d’opportunités sur la question commerciale et économique,
sur la question alimentaire et agricole, sur la question de l’innovation dans tous les domaines,
sur la question artistique et culturelle,
sur la question sportive, qui sont là aussi des domaines où nous avons des expertises, où on les a montrées au monde entier, en particulier avec les Jeux olympiques et paralympiques, et où il y a toute une stratégie export qu’on doit déployer, parce que tous les acteurs français qui ont travaillé pour nos Jeux, on veut qu’ils aillent travailler pour la Coupe d’Afrique des Nations et d’autres grandes compétitions, et que ce soit, ce faisant, une politique qui vienne en soutien avec ce qu’on fait en matière éducative et autre.
Un nouveau logiciel diplomatique en Afrique
Et donc, je vous fais confiance pour que ce logiciel, qu’on a commencé à changer à Ouagadougou, soit à chaque fois réexpliqué, porté, assumé, comme un logiciel de conquête.
Comme toutes les transitions, c’est difficile parce qu’il y a des nostalgiques, parce qu’il y a des gens qui ne comprennent pas ou qui ne veulent pas comprendre, et parce qu’on bouscule des intérêts acquis.
Mais croyez-moi, c’est une bonne chose, parce que le monde change et que nous avons besoin d’embrasser justement ce nouveau partenariat.
Et, en parlant du continent africain, c’est en particulier ce qu’on veut faire avec le Maghreb. Pour moi, un des temps importants de ces derniers mois a été ce que nous avons réussi à bâtir avec Sa Majesté le Roi Mohamed VI.
Lors de la visite d’État, plusieurs d’entre vous m’y accompagnaient il y a quelques semaines, nous avons construit un partenariat pour les décennies à venir totalement nouveau.
Il est dans tous les domaines, il est d’une ambition inédite, et il est pour moi véritablement constitutif de cette nouvelle approche.
Il doit d’ailleurs être un de nos relais à l’égard d’une approche africaine réinventée. C’est-à-dire qu’on aura des projets franco-marocains sur le continent africain.
Parce que c’est une autre façon aussi d’aborder ce continent et de changer le regard à l’égard de la France quand on l’aborde ensemble.
Et donc le Maghreb sera aussi dans cette stratégie, pour moi au cœur d’un agenda positif : la saison Maghreb, le Fonds Maghreb, l’Académie des talents. Et nous ne devons pas nous résoudre, malgré les tensions qui peuvent exister avec certains, à la nécessité d’avoir un tel agenda.
Enfin, cet agenda de prospérité, nous devons le penser également dans ces stratégies de partenariat avec nos Outre-mer. […]
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