La France peut-elle « se réorganiser » en Afrique avec un PM qui n’aime pas un certain « discours sur le colonialisme » ?

Nous nous demandions, après la sortie du Pros (du Premier ministre Ousmane Sonko dans sa qualité de Président du parti Pastef), suite au discours du Président Macron à propos des relations avec l’Afrique: «  Quelle (sera) la réponse diplomatique africaine à cette doctrine diplomatique qui prône certaines valeurs françaises et lesquelles ?« 

Réorganisation diplomatique…

Pour prendre au mot le Président français qui promet la « réorganisation, lucide » (et pourquoi pas progressiste) de la diplomation française dans le nouveau contexte…

Et donc, dans ce contexte-là, non, la France n’est pas en recul en Afrique, elle est simplement lucide, elle se réorganise. Je dis ça parce que quand je lis une bonne partie de notre presse et beaucoup de commentaires, les gens, regardant avec les lunettes d’hier, disent que c’est terrible, l’Afrique, on est en train de disparaître.

Nous suivons nous aussi l’actualité française, surtout dans le domaine de la culture, sachant que c’est le secteur qui va pour longtemps nous rappeler nos liens séculaires.

Or, étonammant, si l’on peut dire que sur les questions historico-mémorielles, la France, entendre par là, l’Etat dont Macron est le chef (a)…

(Je crois que nous l’avons) fait avec beaucoup de sincérité ces dernières années, et du travail inédit qui a été fait sur l’Algérie avec la commission Stora, en passant par le discours qui a été donné par le Ministre à Thiaroye pour le Sénégal, à la politique de restitution des œuvres d’art, conformément à l’agenda de Ouagadougou que j’avais évoqué. Nous avons, ces dernières années, profondément changé ce logiciel. C’est-à-dire que la France regarde son passé dans sa complétude : elle a nommé les choses et elle cherche à avoir une approche scientifique, historiographique, à la fois décomplexée et dépassionnée, et nous le ferons encore avec le Cameroun, avec le comité d’historiens que nous avons installé.

Les Africains par contre, voudraient bien savoir si son Premier Ministre, M. Bayrou est dans le même état d’esprit.

Le PM devrait-il changer de logiciel?

Le nouveau PM est-il au diapason de cet « agenda qui doit d’abord sortir en quelque sorte des obsessions du passé »?

Interrogation bien légitime, pour un PM qui dit lui-même ne pas comprendre que le Président Macron puisse dire que la « colonisation est un crime contre l’humanité ». Qui trouvait donc qu’il y avait quelque chose de « blessant » dans ce narratif qui pourrait renseigner sur cet agenda…

Mais pour François Bayrou, « c’est une phrase blessante pour beaucoup de Français, et qui ne correspond pas à la vérité historique ». Le maire de Pau a rappelé que « le crime contre l’humanité est imprescriptible et c’est un crime qui vise à faire disparaître de la terre une partie de l’humanité ». « Ce qu’a été cet épisode de la présence de la France en Algérie et en Afrique ne correspond absolument pas à ça », a-t-il souligné. La colonisation constitue selon François Bayrou une pratique que « l’humanité a vécue depuis son origine et pendant des millénaires ». « Heureux que nous ayons quitté ce temps-là », François Bayrou a tenu à reconnaître « les souffrances qui ont été causées par ce mouvement-là dans tous les sens et dans tous les camps ». « En tous cas, je ne considère pas qu’il s’agisse de crime contre l’humanité », a-t-il conclu.

Il n’en était pas à sa première incompréhension avec cette lecture de la colonisation…

En 2007, ces années très historicio-mémorielles en France en relation avec la colonisation dans sa connotation esclavagiste (après la loi Taubira 2001), il avait aussi critiqué le vamp socialiste de « grave imprudence » du fait qu’un des leurs ait déclaré être « en faveur d’une reconnaissance par la France « des crimes commis par la colonisation » en Algérie.

Quid du panafricanisme ?

Êtes-vous sur la même longueur d’ondes, Messieurs le PR et le PM sur le panafricanisme ?

Tant qu’à nommer un panafricaniste, nous appelons Aimé Césaire, ce chantre de la Négritude dont les oeuvres auraient, paraît-il, souffert de reconnaissance sous cet ancien Ministre de l’éducation nationale (1993-1997)?

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Archive le Monde  10 mai 2008...

Quand Bayrou retirait Césaire des programmes de français

Aimé Césaire, que tous les responsables politiques ont couvert de louanges lors de ses obsèques à Fort-de-France (Martinique), le 20 avril, sera-t-il un jour enseigné dans les lycées ?

Le secrétaire d’Etat à l’outre-mer, Yves Jégo, doit rencontrer, début juin, Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale, pour examiner avec lui le moyen d’introduire dans les programmes du secondaire le poète de la négritude et pourfendeur du colonialisme. « C’est le plus bel hommage qu’on pourrait lui rendre », déclare M. Jégo.

En réalité, Césaire a été très brièvement au programme de lettres des terminales L (littéraires). En 1994, parmi la liste d’oeuvres à étudier figuraient le Cahier d’un retour au pays natal et le Discours sur le colonialisme, les deux oeuvres les plus connues et les plus emblématiques de l’écrivain martiniquais. Ces textes auraient dû rester au programme pendant deux ans. Mais, dès l’année suivante, une note de service publiée au Bulletin officiel de l’éducation nationale du 27 juillet les faisait disparaître de la liste au profit des Yeux d’Elsa, d’Aragon.

Pour Odile Tobner, coauteur du livre Négrophobie (Les Arènes), il ne fait aucun doute que Césaire a été retiré pour des raisons idéologiques. Elle en veut pour preuve une intervention à l’Assemblée nationale, le 12 septembre 1994, du député (UDF) Alain Griotteray. Celui-ci s’étonnait qu’une « oeuvre aussi résolument politique (que le Discours sur le colonialisme), osant comparer nazisme et colonialisme, soit inscrite au programme de français des terminales ». Il trouvait cette idée « choquante et inacceptable ».

Interrogé par Le Canard enchaîné (du 13 septembre 1995) au sujet de la « disparition » des livres de Césaire, le ministre de l’éducation nationale de l’époque, François Bayrou, affirmait que ce n’était pas « les remous idéologiques » qui avaient motivé sa décision. Simplement, il jugeait Aragon « plus représentatif de la littérature française » que l’écrivain martiniquais…

Alain Boissinot, recteur de l’académie de Versailles, qui était en 1995 directeur des lycées et collèges et avait signé à ce titre la note de service, livre une troisième version des faits : « François Bayrou avait reçu de nombreuses protestations d’enseignants de terminale, qui trouvaient Césaire trop difficile, en raison d’une syntaxe déconcertante et de références culturelles peu accessibles aux élèves. Il avait souhaité qu’on modifie le programme et avait choisi Aragon précisément pour ne pas prêter le flanc à l’accusation de choix idéologique. »

M. Boissinot fait remarquer que les professeurs de français des classes de seconde et de première, pour lesquelles il n’existe pas de liste d’oeuvres, ont toujours la possibilité de faire étudier le poète martiniquais à leurs élèves. L’actuel ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, se souvient sans doute de l’épisode de 1995 : il était alors directeur de cabinet de M. Bayrou.

Xavier Ternisien

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