« Nédo ko bàndum », « Géwèl » milliardaire…: néo-féodalisme mais pas ethnicisme ?

Même dans leur irrédentisme sudiste le plus fou, ni Diamacoune Senghor, ni Nkrumah Sané, ni leur plus jeune frère Salif Sadio n’ont appelé à une « résistance », à un « engagement »… socio-politico-ethnique. Ils véhiculent leurs idées en langues officielles (Français , Anglais, Portugais) ou locales (socé, kuyataay, kriol…et se font traduire en puular parfois ! )

Au plan politique, à beau renvoyer un Ousmane Sonko – et tout enfant de la Casamance naturelle – à l’équation de sa Casamancité, il colle dignement à cet imaginaire d’une Casamance multiethniques malgré le label de « Rebelle » qui voudrait ainsi donner une autre image disons ethnique du phénomène de conflit et qu’il transpose dans l’expression de sa sénégalité.

Après tout, il faut le dire, lesdits « Rebelles » ne le sont pas devenus parce qu’ils auraient volé l’État-nation, ils le seraient parce que l’État-nation n’avait pas été suffisamment à l’écoute des aspirations des peuples de la Casamance !?

Une fois que cela est dit, on peut aborder sereinement cette question d’ethnicisme qui fait débat sans y mêler le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) plus régionaliste qu’autre chose.

Hypothèse : Pour dé-ethniciser le discours politique qui trahit ceux qui rêvent de revenir au pouvoir par d’autres moyens suspicieux, il faut suivre de près le modèle Aguène-Diambone-Débo qui, quelque part nous renseigne sur les luttes de pouvoir au sein de l’État-nation entre système de classes et de sans classe.

Pour nous, pour parler comme le Dyalì Senghor, la matière impose la méthode. C’est par les discours et les actes posés par le régime en place que nous saurons qui sont nos dirigeants.

Sous le régime précédent, il a souvent été question de « nédo ko bàndum » réduit simplement en favoritisme communautariste des privilèges étatiques. « Résistez et engagez le combat« , cet appel aux puularophones trahit cette tendance animée par un instant de survie politique.

Mais la critique du nouveau régime a toujours consisté à refouler cet imaginaire de peur de tomber dans le piège de l’ethnicité.

Au même moment, les cadres sociaux propres au phénomène « nédo ko bàndum » bien que refoulé semblaient guider le questionnement de la possibilité qu’un « Géwèl » (griot) devienne milliardaire ?

Si l’on écarte la politisation potentielle du genre, « justice des vainqueurs, vengeance, politisation de la justice… » qui ne manquera pas. C’est que finalement, c’est dans le « nédo ko bàndum » en tant que défense des intérêts au sein du système étatique par une certaine communauté historique (disons puularophone), qu’il est possible d’expliquer ce débat soulevé sur l’enrichissement en politique non en termes d’ethnicisme mais de néo-féodalisme.

Nous sommes plus nuancé et pensons que SEM Bassirou Diomaye Faye et PM Ousmane Sonko sont les acteurs d’une transformation en cours dans une société pluriethnique.

La peur panique de ce vocable, l’ethnie en politique, amène les politiciens (voire même une certaine élite intellectuelle) à ne pas distinguer l’existence de différents modes d’expression des fiertés identitaires au sein de la République sénégalaise dans laquelle, on a des sociétés de classes et des sociétés sans classe. 

La racine du phénomène de conflit se trouverait là. Il y a là une dialectique médiocrement étudiée (que d’aucuns ont réduit en castes par référencialité et pas par l’historicité) !

Ainsi, pour les sociétés de classes par héritage, on assiste nous semble-t-il, à l’entretien d’un certain néo-féodalisme ignoré ou occulté transposé au sein de l’État moderne. Néo-féodalisme qui voudrait ainsi qu’une classe fière d’une tradition institutionnelle séculaire (que l’on veut déjà source d’une démocratie ancienne) cherche, dans le cadre de la mixité unificatrice de la République, de vassaliser le reste constitué de sociétés individualistes, les Ajamaats singulièrement et les Sereers dans une certaine mesure.

Voilà donc pourquoi, nous nous réservons de parler d’ethnie, pour vous entretenir plutôt sur la question de classes sociales (que les marxistes maîtrisent mieux que nous). Pour juste dire que derrière tout cela se cache une lutte de classes et de « non-classe » dans l’État-nation moderne.


Nous parlons donc avec un certain optimisme de vue sur la « nation » sénégalaise où l’on aurait « peur » de l’expression de la fierté supposée ethnique….

Or, de manière imagée, le Sénégal du Président L.S Senghor a cherché de bâtir sur l’idée de « Nations plurielles » subtilement enrobée dans l’écrin du cousinage à plaisanterie où il est question de reconstruire (cette image du) « Sunu-Gaal » (pirogue) brisée et qui vit la séparation des sœurs Aguène – Diambone – Débo

C’est la perte de vue de cet encadrement culturel qui a justifié les « événements de Casamance » en 1982. A beau vouloir d’ailleurs les ethniciser en « Joola », les Casamançais savaient apparaître unis dans la diversité, ce qui fait qu’ils sont « Tous » traités de « Rebelles » dans la « Guerre Incivile » qu’y mène l’État-nation profond d’héritage hiérarchique.

Intéressant de voir que les territoires de la Sierragambie les plus voisines de la Sénégambie où prévaut une certaine égalité socioculturelle cultivent harmonieusement la pluralité malgré le syndrome de l’analyse ethniciste.


Limitons-nous à rappeler qu’aux indépendances, à la suite de l’échec de la « Fédération du Mali », les enfants de Diambone et Débo à dominante hiérarchique furent les artisans de la première reconstruction d’un imaginaire national regroupant toutes les subnationalités. Voici maintenant que c’est avec Aguène que nous assistons à une nouvelle phase de reconstruction caractérisée par l’absence de classe comme dominante.


Dit autrement, avec le Président Bassirou Diomaye D. Faye et son Premier Ministre Ousmane Sonko, qu’ils l’aient compris ou pas, nous assistons à l’acceptation tacite de la possibilité de faire la promotion d’une nouvelle élite issue des sociétés sans classe (Aguène et Diambone); ce qui – lutte des classes oblige – n’est pas sans crainte pour les sociétés de classes (Débo) dont il ne faudrait pas pour autant refouler en occultant le sentiment de fierté de ce qu’elles sont.

A vrai dire, plus que des revendications ethnicistes, il nous semble que la problématique réelle réside dans la défense des intérêts en jeu. Défendre un « Géwèl » milliardaire qui a servi et se serait enrichi grâce à l’État, c’est défendre les cadres sociaux et institutionnels qui ont permis cela jusque dans l’État-nation moderne.

Il faut donc pour cela, questionner pour mieux le comprendre la tendance plutôt néo-féodaliste derrière ce discours d’autodéfense et éviter de vite le caricaturer en ethnicisme; ce qui ferait le jeu des entrepreneurs des conflits spécialistes de l’Afrique.

Tout ne se résume pas à l’ethnie par le seul fait que c’est exprimer dans une langue, dans une région etc…, il faut aussi interroger, faire l’historicité de toute une culture et la résilience de toute une civilisation derrière.

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